Comment les espaces verts influencent-ils notre santé mentale ?

Ce texte a été rédigé par Bolanlé Odilon Edea qui s’intéresse aux inégalités socio-territoriales et à leurs effets sur la santé. Il s’agit plus spécifiquement des effets de l’exposition aux espaces verts sur la santé mentale positive et négative. Le présent article est tiré de la recension des écrits sur le sujet et décrit un modèle conceptuel de l’influence de la fréquentation des espaces verts, y compris les parcs, les forêts urbaines, sur la santé mentale. 

Notre milieu de vie à une influence sur notre santé. Les aménagements faits dans notre quartier de résidence lui confèrent certaines caractéristiques qui contribuent à déterminer notre état de santé. Plusieurs caractéristiques du quartier ont été étudiées en lien avec la santé physique et mentale dans les pays développés. La présence de parcs, trottoirs, pistes cyclables, services communautaires, ainsi que la sécurité et la cohésion sociale du quartier sont autant de caractéristiques qui peuvent influencer la santé physique et mentale des résident·e·s. Les espaces verts en milieu urbain constituent une principale caractéristique du quartier connue pour ses effets bénéfiques sur la santé. Il est démontré scientifiquement que la nature à des effets bénéfiques pour la santé. Ces bénéfices sont davantage importants lorsque l’on a accès aux espaces verts en milieu urbain, lequel abrite aujourd’hui près de 7 personnes sur 10 dans le monde et 8 sur 10 en Amérique du Nord. 

À travers le présent article, je propose d’explorer, à la lumière de la littérature existante, la relation entre les espaces verts et la santé mentale positive et négative.

En effet, en me fondant sur une recension des écrits relatifs au sujet, j’ai proposé un modèle conceptuel (figure 1) de l’influence de l’exposition aux espaces verts sur plusieurs dimensions de la santé mentale (anxiété, dépression, détresse psychologique) et sur la santé mentale positive (bien-être). Il s’agit ici d’une tentative d’explication simplifiée du mécanisme relativement complexe par lequel cette influence s’opère.

FIGURE DE RÉFÉRENCE : Modèle conceptuel de l’influence de la fréquentation des espaces verts sur la santé mentale.

Le modèle proposé s’attarde à décrire non seulement des facteurs qui expliquent l’influence des espaces verts sur la santé mentale, mais décrit aussi des facteurs individuels et territoriaux qui influencent la fréquentation des espaces verts.

L’utilisation des espaces verts du quartier de résidence est généralement conditionnée par leur disponibilité et leur accessibilité. En effet, dans les quartiers caractérisés par un grand nombre de parcs proches des résidences et bien entretenus, les résidents auront généralement tendance à les utiliser plus fréquemment et à y passer plus de temps. L’exposition aux espaces verts (figure de référence) fait référence non seulement à la disponibilité et à l’accessibilité des espaces verts mais aussi à leur fréquentation en termes de fréquence et de durée des visites.

Il convient de faire remarquer qu’il ne suffit pas que les espaces verts soient disponibles et accessibles pour être fréquentés. Ainsi, l’effet de la disponibilité des parcs sur leur fréquentation peut être modifié par plusieurs autres facteurs tels que les caractéristiques des parcs, les caractéristiques du quartier et les caractéristiques individuelles (figure de référence)

Les caractéristiques des parcs jouent un rôle essentiel dans leur utilisation. La présence d’installations sportives et récréatives constitue un attrait pour les résident·e·s qui seront plus enclins à utiliser les parcs. Autrement dit, les parcs qui disposent d’installations sont susceptibles d’être davantage utilisés comparativement aux parcs dépourvus ou disposant de peu d’installations. La présence de toilettes, de bancs, d’aires de jeux, de sentiers, de pistes cyclables est associée à une meilleure fréquentation des parcs. Il en est de même de la qualité des parcs dont le niveau d’entretien influence l’utilisation. Ainsi, les parcs les mieux entretenus sont mieux fréquentés. L’esthétique des parcs est un facteur non moins important pour leur fréquentation. Les parcs avec un niveau d’esthétique et d’attractivité élevé seront davantage fréquentés. Aussi, une plus importante biodiversité est associée à une meilleure utilisation des espaces verts. Les espaces verts offrant une plus grande biodiversité sont plus susceptibles d’être utilisés comparativement aux espaces verts qui n’en présentent que peu. L’utilisation des espaces verts varient également en fonction de leur type.  Par exemple, un parc urbain, une forêt urbaine, un parc public ou privé, ou encore une ruelle verte seront fréquentés différemment en fonction des attentes des utilisateur·rice·s. 

Les caractéristiques du quartier influencent également la relation entre la disponibilité et la fréquentation des espaces verts. Le niveau de sécurité du quartier a une influence sur l’utilisation des parcs. Quand bien même des parcs sont disponibles, accessibles et bien entretenus, mais qu’il règne un climat d’insécurité dans le quartier, les résident·e·s auront moins tendance à s’adonner à de l’activité physique de plein air ou à laisser leurs enfants jouer à l’extérieur de la maison. Les infrastructures du quartier jouent aussi un rôle essentiel dans la fréquentation des parcs. La présence de trottoirs et de pistes cyclables dans le quartier pour favoriser la mobilité active jusqu’aux parcs est un facteur déterminant de l’utilisation des parcs. Les résident·e·s des quartiers caractérisés par une présence de trottoirs et de pistes cyclables bien aménagés sont plus susceptibles de fréquenter les parcs disponibles dans leur quartier. 

Aussi, un volume de trafic trop important est lié à une faible utilisation des espaces verts; car un tel trafic souvent associé à une insécurité qui affecte la motivation à utiliser les parcs chez des résident·e·s surtout les parents d’enfants. Des facteurs culturels (exemple : les croyances par rapport à l’utilisation des espaces publics) associés à l’origine ethnique sont également susceptibles de modifier l’effet de la disponibilité des espaces verts sur leur fréquentation. 

Les caractéristiques individuelles telles que l’âge, le genre, l’origine ethnique et le statut socioéconomique constituent des déterminants de la santé physique et mentale. Par exemple, les personnes du troisième âge seraient moins confrontées à de l’anxiété comparativement aux personnes plus jeunes. Dans le même ordre d’idée, les femmes souffriraient davantage de dépression comparativement aux hommes. Ces caractéristiques sociodémographiques influencent l’effet de la disponibilité des espaces verts sur leur fréquentation.  Ainsi, l’utilisation des parcs varie selon ces caractéristiques sociodémographiques.  

Le fait d’être propriétaire de chien ou parent d’enfants est aussi associé à une utilisation accrue des espaces verts. En effet, les parcs constituent des espaces de distraction et des aires de jeux pour les enfants et les animaux de compagnie tels les chiens. Ils sont de ce fait bénéfiques aussi bien pour les enfants que pour les chiens et sont également utiles pour les parents.  

L’influence des espaces verts sur la santé mentale se produit par le biais de trois intermédiaires que sont : l’activité physique, les interactions sociales et la réduction du stress (figure de référence).

Dans les quartiers caractérisés par une grande disponibilité d’espaces verts, les résident·e·s sont plus enclins à s’adonner à l’activité physique telle que la marche, le jogging, le vélo, les jeux de plein air. Faire de l’activité physique dans les parcs suppose que les installations dédiées y sont disponibles. Ceci justifie une préférence des parcs équipés d’installations récréatives et sportives au détriment des parcs dépourvus d’équipements. Ces types de parcs offrent non seulement la possibilité de faire de l’activité physique, mais permettent aux utilisateurs d’y passer plus de temps. L’activité physique est connue pour non seulement réduire le risque de maladies mentales telles que l’anxiété, la dépression, la détresse psychologique, mais aussi favoriser une augmentation du bien-être. Il faut noter que le type d’activités pratiquées dans les espaces verts peut être influencé par plusieurs caractéristiques individuelles. Ainsi, il peut varier selon l’âge, le genre, l’origine ethnique. Par exemple, pendant que des jeunes âgé·e·s de 20 ans s’adonnent à des activités physiques vigoureuses comme le soccer, le football, le volleyball, les personnes âgées de 65 ans et plus vont privilégier des activités physiques modérées ou la marche.

La cohésion sociale à l’échelle du quartier est le deuxième intermédiaire entre les espaces verts et la santé mentale. Les espaces verts sont par excellence des lieux de rencontre. En tant que tels, ils constituent des espaces où les liens sociaux se créent et se renforcent. Ce renforcement des interactions sociales entre résident·e·s d’un même quartier permet à la cohésion sociale de se créer à l’échelle de ce quartier. La cohésion sociale fait référence aux valeurs et aux normes partagées par les résident·e·s d’un même quartier. Les interactions sociales favorisent donc la cohésion sociale qui, à son tour, permet au capital social de se constituer. Le capital social peut être compris comme des ressources potentielles résultant de la cohésion sociale et dont peut bénéficier une personne en cas de besoin. Le capital social peut prendre plusieurs formes dont les plus communes sont : le soutien social, la mobilisation sociale, le contrôle social informel et la participation communautaire. Ainsi, la cohésion sociale et le capital social contribuent entre autres au renforcement du sentiment d’appartenance à la communauté qui est associé à la santé mentale.

Le troisième intermédiaire du lien entre les espaces verts et la santé mentale est le stress. En effet, en milieu urbain, nous vivons au quotidien des situations de stress (le bus à rattraper, un travail stressant, une condition financière préoccupante, etc.). Le fait de se rendre dans un parc, par exemple, et de se connecter avec la nature par le biais entre autres de la verdure, des espèces animales rencontrées ou des chants d’oiseaux, permet de se déconnecter de ses sources de stress, ne serait-ce que le temps de la visite. Ceci favorise une récupération du stress et une restauration de la fatigue mentale et psychologique, conduisant ainsi à une diminution de risque d’anxiété, de dépression ou de détresse psychologique, d’une part, et à une augmentation du bien-être psychologique, d’autre part. 

Il importe de préciser que la relation entre les espaces verts et la santé mentale ne passe pas linéairement par un seul intermédiaire. L’état de santé mentale est le résultat de l’imbrication de ces trois intermédiaires (activité physique, cohésion sociale, réduction du stress) lors de l’exposition aux espaces verts (figure de référence)

Enfin, il convient de faire observer que le choix du quartier de résidence est déterminé par le statut socio-économique, notamment par le revenu qui est lui-même tributaire du type d’emploi exercé et du niveau d’éducation. Ainsi, les personnes ayant un faible revenu ou un statut socio-économique faible ont plus tendance à résider dans des quartiers défavorisés avec peu d’espaces verts, tandis que les personnes avec un statut socio-économique élevé seront plus susceptibles de résider dans des quartiers plus nantis avec un meilleur accès aux espaces verts. Cette association entre le statut socio-économique et l’accessibilité aux parcs est susceptible de contribuer à la production des inégalités sociales de santé puisqu’une ressource bénéfique pour la santé (ex : les parcs) est davantage accessible à certains groupes sociaux et, conséquemment, ses bénéfices sanitaires sont inégalement répartis dans la population. Ainsi, les personnes ayant un faible statut socio-économique et les minorités visibles sont généralement plus susceptibles de déclarer de moins bons états de santé.

BOLANLÉ ODILON EDEA, DIPLÔMÉ EN GÉOGRAPHIE HUMAINE ET ÉCONOMIQUE ET EN SANTÉ PUBLIQUE, EST AUJOURD’HUI CANDIDAT AU DOCTORAT INTERDISCIPLINAIRE SANTÉ ET SOCIÉTÉ À L’UQAM SOUS LA DIRECTION DE MATHIEU PHILIBERT. SON STAGE A ÉTÉ RENDU POSSIBLE GRÂCE AU SOUTIEN DE MITACS, DU PÔLE SUR LA VILLE RÉSILIENTE DE L’UQAM, AINSI QUE DU CAMPUS DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE.  

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